samedi 18 août 2007

Le Mal

Sans doute faut-il reprendre au début les circonstances de cet affrontement silencieux entre l’armée désunie des taupes et Samuel Beckett. La taupe se creuse dans la terre un couloir de section ronde. Ensuite, plusieurs couloirs. Puis, un peu à contrecœur, la taupe cria en langage sous-terrain quelque chose qui pour elle était un vilain mot. Beckett fit d’abord semblant de ne lui prêter aucune attention, mais l’Internationale Citationniste encouragea l’animal à continuer à se moquer de lui. Ces mots — Racine ou grosse motte — n’étaient que légèrement moqueurs, mais, répétés avec insistance, ils devenaient vraiment provoquant.
Levant les yeux, Beckett menaça la petite bête de mettre sept pièges sur la même passée, à un mètre au moins les uns des autres et entre chaque de mettre une pince, ça faisait quatorze. Toujours poussée par l’Internationale Citationniste, la petite taupe continua son manège jusqu’au moment ou Beckett, feignant la colère, prit la peine de se lever pour admonester à la fois la taupe et l’I.C. . L’animal se réfugia sous les genoux de l’Internationale Citationniste, qui la protégea avec une exagération moqueuse. La taupe continua alors à creuser et avancer malgré la terre déjà grattée qui encombrait le couloir avant qu’elle ne se décide à la rejeter vers l’extérieur puisqu’à un certain moment la taupe jugea cette terre meuble encombrante, alors, comme il nous arrive d’enterrer ce dont nous ne voulons plus, pour s’en débarrasser elle l’expulsa dans un espace qu’elle ne fréquente pas, tout en répétant sans fin l’insulte et, à mesure qu’elle avait moins peur, Beckett devenait graduellement plus violent. La taupe recevant de plus en plus de pièges, des gros fers et des pinces, et plus elle en prenait, moins elle en avait peur et plus elle creusait en dessous, facilement (c’était une terre très tendre, presque marécageuse) en rejetant sa terre à la surface. La « leçon » continua jusqu’à ce que la taupe se sentît capable de continuer à creuser et à insulter Beckett, indépendamment de la peur légitime des conséquences.
Le but de ce jeu était de lui enseigner à ne pas s’empêcher de faire ce dont elle avait envie par respect pour un auteur et à entraver toute forme de déférence dans le champ de la culture. La seule forme de discipline que les Citationnistes reconnaissaient en fin de compte était l’autodiscipline, c’est-à-dire une discipline faisant appel à la responsabilité. Pour eux, la déférence dans le champ de la culture était le pendant symbolique de l’ego des auteurs, le Mal, parce qu’il détruisait l’âme humaine.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Mettre un point final après un point abréviatif est une absurdité.
Topolino

Internationale Citationniste a dit…

Oui et Non,.
Comme il fait noir dans la forme !!!